MON REGARD : 11 SIRENES, UNE ANTHOLOGIE !

26/11/2014 00:00

 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

mercredi 26 novembre 2014

Onze sirènes, une anthologie !

 
‘’Sirène des sables’’ (L’Harmattan) est une anthologie de nouvelles signée de onze auteures congolaises qui vivent sur trois continents (Afrique, Amérique et Europe). Ces nouvelles ont pour thème la sorcellerie, phénomène omniprésent dans la vie sociale des congolais. L’anthologie est un voyage dans un univers où se côtoient le réel et l’irréel !
 
 
Elles sont onze, elles ne forment pas une équipe de football mais un groupe d’auteures, elles n’ont pas de pouvoir surnaturel mais juste leur talent et elles se sont unies pour concevoir ce bébé. Bébé résultant d’une rencontre sur le net. ‘’J’ai rencontré Marie-Françoise sur le net, on a causé, elle a créé le groupe et on a lancé le projet. Une belle histoire. Ensuite Penelope Natacha a été coptée et elle s'est chargée de la mise en page’’ explique Marie-Léontine Tsibinda, l’une des initiatrices du projet. La magie de la technologie, qui pourrait être assimilée à la sorcellerie (ndoki ya mundélé comme on dit au pays), a permis le rapprochement de ces écrivaines pas très connues du grand public qui, pour certaines ne se sont jamais rencontrées physiquement. ‘’On s’est rencontré en janvier-février, puis on a rallongé un peu à la fin de réception des manuscrits jusqu'en mai. On a lu et relu. Ensuite, on a envoyé à la préfacière et en juillet chez l'éditeur’’ poursuit Marie-Léontine Tsibinda l’auteure de la nouvelle ‘’Lady Kimpa V.’’
Onze nouvelles extraordinaires et surprenantes qui entraînent le lecteur dans les méandres du mystique. Aspect auquel l’on ne peut pas échapper lorsqu’on vit au Congo. La relation entre le naturel et le surnaturel étant très étroite dans les traditions locales. ‘’La magie, chez nous, finit par guider en permanence notre quotidien. Même si on se dit que l’on peut ou doit faire sans, les croyances de notre communauté nous ramènent toujours, progressivement, à ses forces supérieures, ses amulettes, ses sacrifices (parfois humains), ses boissons étranges qui sont sensés nous donner force, vitalité’’ souligne Assia-Printemps Gibirila dans ‘’Albina Kitoko’’.
Elles peignent, chacune dans son style, avec humour ou avec gravité, les drames qui se produisent quotidiennement au Congo et qui sont souvent imputées à la sorcellerie. ‘’Ce sont des choses qui font partie de nos traditions, mais on ne sait pas si elles ont existé dans la réalité’’ dixit Penelope-Natacha Mavoungou-Pemba dans ‘’Leshkah et le mystérieux héritage’’. Les superstitions, les rites et les croyances ont fini d’asseoir fermement la sorcellerie dans la conscience collective. Rien ne se produit sans que l’on pense à la sorcellerie, toute réussite sociale cache forcément un lien avec le monde des ténèbres. ‘’Le Congolais a tendance à expliquer tout ce qui est différent par la sorcellerie’’ ajoute Marie-Françoise Moulady Ibovi dans ‘’Oless, l’enfant soit disant sorcier’’.
Cette diversité de personnalités, de style et de talent fait la richesse de l’anthologie et rend l’œuvre intéressante. A travers les récits, on comprend que la sorcellerie ne se résume pas uniquement aux sorts maléfiques, elle peut aussi désigner les comportements négatifs affichés par les humains : envie, jalousie, médisance, la stigmatisation, les préjugés, l’ignorance et les dérives en tout genre…
En toile de fond, l’éternel confrontation entre le bien et le mal avec les mêmes conclusions : le bien l’emporte (‘’L’écrin des retrouvailles’’ de Gilda Rosemonde Moutsara-Gambou), la récolte de ce que l’on a semé (‘’Splendeurs et misères de Fifi’’ d’Eveline Mankou). Il y a aussi un côté fantastique dans cette anthologie qui rappelle les contes de notre enfance (‘’Les six doigts de Kumba’’ de Binéka Danièle Lissouba).
On aurait aimé que ‘’Le mystère d’Afouma’’, la nouvelle de Lydia Evoni, se termine d’une façon moins brusque et on aurait aussi aimé que le dialogue entre le père et la fille soit moins long dans ‘’Leshkah et l’héritage mystérieux’’ de Penelope-Natacha Mavoungou-Pemba. Mais, ce ne sont que des détails qui n’enlèvent en rien à la qualité des nouvelles. Au-delà de cette qualité et de la morale véhiculée par ces récits, l’autre aspect intéressant de cette anthologie est la présence de la bédéiste Jussie N’Sana. Si les dix autres coauteures ont simplement écrit, elle a dessiné sa nouvelle, ‘’Lukaya’’ qui clos l’ouvrage, ajoutant une touche originale à l’ouvrage. ‘’Une façon d’ajouter de la couleur aux mots’’ explique Marie-Léontine Tsibinda.
Comme le titre l’indique, ‘’Sirène des sables’’, préfacé par Arlette Chemain, est une histoire de femmes, rien que des femmes. Pas d’hommes !